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stramatakis photographe et voyageur

J’accumulais les cartes géographiques collectées auprès des ambassades, collées non pas aux murs de ma chambre, mais au plafond afin de m’en imbiber jour et nuit. à celles-ci s’ajoutaient les livres de voyageurs, d’aventuriers, leurs films conférences diffusés en hiver dans nos salles bondées, films réalisés et commentés sur place par des disait-on explorateurs qui arpentaient ces mondes peu connus, armés d’une Bolex 16mm, puis vendaient leur bouquin à la sortie de la conférence.

Je pense aussi à cette époque où la télévision balbutiait, s’inventait, années cinquante.

Une époque à laquelle je découvrais, durant la messe à l’église catholique de Sierre où j’habitais, des récits de missionnaires rentrés d’Afrique, passant de bancs en bancs les photographies de personnes de couleur, noirs bien sûr, un peu les images des bons noirs à convertir, tel était leur rôle également, nous les montrer. c’est dire que le premier noir que je croisais déambulant en cette petite ville du Valais m’a marqué.

Si jeune je découvrais le monde, juste curieux et surpris. Quel retour de manivelle plus tard ce passé colonial, ce fossé entre religions et réalités en de multiples facettes.

1966, premier voyage en auto stop hors du cocon, napoli, son coeur, son port déconseillé

Dix-sept ans, une procuration des parents en poche, soit voyager sans eux à l’étranger, premier voyage aussi avec Roland, ami du collège.

Un voyage empli d’aventures fantastiques, de rencontres et d’ouverture tel ce professeur qui nous a emmené chez lui à Rome pour passer la nuit mais avant passé au resto du quartier manger les spaghettis.

Monde de Fellini en délire, habituel, chaleureux, si sympathique, à portée d’oeil, de bruits et d’odeurs, une serveuse qui nous balance les services sur la table, bistrot de quartier avec les prostituées sur les genoux des gars qui plongeaient leurs mains dans les blouses échancrées à souhait. Que du bonheur pour nous, petits en vadrouille, curieux, guidés sans peur ni crainte.

Ainsi va la vie en des temps heureux, sans savoir où dormir, manger, un but que l’on atteint avec bonheur sans y penser. l’envie un soir de nager dans le port de naples la nuit, étranges sensations mais pari tenu, les habits disrètement pliés à l’écart, nous faire tout petits dans les eaux chaudes, huilées, proches de ces monstres marins enchaînés au port, pour nous comme une impression d’attendre quelques mafiosis à l’oeuvre, insconscience du voyage.

Milan parcouru à grandes enjambées vers une sortie propice à lever son pouce, notre but encore lointain, une famille belge nous prend pour la traversés du grand-Saint-Bernard, le conducteur apeuré par les virages qui se succèdent, des pommes pas mûres en guise de hors d’oeuvre avant de retrouver les délices de nos familles. oui le voyage aiguise les appétits, ceux de nous y rebaigner, chaleurs et moiteurs du voyage, des humains.

pâques 1967, un goût de paris

Une dizaine de jours de vacances, l’envie de découvrir paris, une possibilité de m’y rendre avec un groupe d’étudiants en bus, direct Lausanne-Paris, Pigalle.

C’est parti et là en fin de journée, seul, une adresse d’auberge de jeunesse proche du quartier des noctambules qui commence à s’agiter. Lieu trouvé rapidement, en fait une école, nulle auberge de jeunesse ici, mais un concierge aimable qui ouvre une classe vide de chaises, à même le sol trois, quatre voyageurs surpris eux aussi par la fausse information ont accepté ce gîte propice pour une nuit, j’y resterai aussi, sac de couchage déployé.

Au matin je fais connaissance de l’un de ces visiteurs, jeune australien terminant son tour du monde, au flair, en partance pour la Belgique. la Hollande. Curiosité oblige je conclus avec cet ami du moment, pourquoi pas Amsterdam, brel les parfums de son port. Cette bande asphaltée à parcourir quelques jours ensemble me plaisait.

Adieu Paris, pas vraiment goûté, bonjour Belgique, dès notre entrée au pays des frites une journée à se relayer sur le pavé trempé comme nos pélerines et sans trop d’argent, partager un salami et du pain ensemble avant de trouver une auberge pas chère pour passer la nuit au chaud. Souvenir encore de cette journée, un gosse vautré tranquillement à l’arrière de la voiture familiale s’était retourné, nous tirant sa langue de dédain, de haine en fait.

Objectif partagé avec Rémy, Istanbul la grande inconnue scindée entre deux continents.

Départ vers l’Italie, refoulement en voulant pénétrer en ex-Yyougoylavie sans visa, donc retour vers un consulat suisse, heureusement trouvé à Trieste.

Lendemain entrée dans ce pays sans fin, au sud passé vingt quatre heures dans un carrefour à Nis, pris un train à vapeur direction la Grèce, la mer et Istanbul pour une semaine.

Mais avant a rencontre heureuses de deux françaises installées sur ce char vers une destinée inconnue ce soir-là. Village désert, une auberge désuette, un repas chaleureux, la fusion naturelle de nouveaux couples créés pour une nuit, de charme, chambre démesurée en hauteur avec des papiers peints collés sur les vitres presque jusqu’au plafond, de l’autre côté de ces vitres, des têtes curieuses de gosses agrippés.

Avec ma compagne le temps d’éteindre l’unique ampoule de rêve.

Voyage en apprentissage du lointain, des parfums exotiques, ceux du trajet à l’arrièe d’un chariot tiré par des boeufs en quittant le pont séparant la Grèce de la Turquie.

Le jour suivant nos deux couples voyageront séparément et se retrouveront le soir à telle adresse, une auberge de jeunesse à Istanbul, simple la vie, logique. Ma compagne et moi profiterons d’un bain de mer durant le trajet, puis de l’hospitalité rayonnante d’un jeune qui contrôlait les billets dans un bus, son chauffeur ayant stoppé à nos gestes du pouce levé, offert des ciagarettes aussi.

Bienvenue en Turquie. paroles tenues, tous les quatre présents au rendez-vous.

Retour par les pays communistes avec visas obligatoires, tampons de contrôle pour la nuit passée à Sofia en Bulgarie où la pratique de l’auto-stop semblait inconnue, enfin Roumanie, Hongrie, Autriche avec le Danube en cadeau depuis budapest et l’Allemagne.

été 1968, le premier voyage vers sfakia

Ce livre résulte de la découverte de Sfakia, province de l’île de crète en 1968 et d’une longue histoire de passion, amitié, fidélité toujours, régénérées au coeur de stramatakis et des Sfakiotes.

Une époque hors normes, ni eau courante dans certains villages de montagne avec des cas de typhus déclarés, ni électricité, un téléphone unique à manivelle, gaz ou pétrole pour cuisiner et éclairer, une route pousiéreuse qui traversait la montagne jusqu’au bord de mer à Chora Sfakion. Des villages en ruine, déserts, habités par de vieux bottés comme au temps des révolutions, de vieilles, en noir, les femmes cloîtrées dans leur maison avec leurs filles.

La vie coutumière, millénaire des Sfakiotes se déroulait sous nos yeux, sur les hauteurs jusqu’à plus de deux milles mètres avec leurs troupeaux de chèvres, de moutons. des terres distribuées de longue date aux clans multiples qui partagent cette province rebelle.

Roland qui m’accompagnait et moi ne parlions ni grec, ni anglais, pas de problème, personne ne s’intéressait à nous, seuls étrangers ici en ce mois d’août 1968. De retour après un mois, pour débuter mes études à l’école de photographie de vevey.

Intrigué et envoûté par Sfakia, j’ai annoncé à Roland qu’après l’école de photo j’y retournerai vivre une année.

Pari tenu en 1971 durant six mois.

Pour ma part le retour se poursuivit dès l’année suivante pour cinq mois, puis chaque printemps au fil des seventies durant des mois. en finalité le maire de sfakia, Andreas Braoudakis, m’avait proposé d’acquérir la nationalité grecque en diminuant le nombre de timbres à payer pour ce faire.

De même en 1978 l’ami d’un ami côté Chania avait une place de photographe réservée en son studio artisanal, le tourisme débutait avec les charters qui déversaient une manne pour les crétois, la vie m’attendait là-bas.

Une nouvelle tranche de vie démarra en fait hors sfakia cette fois et pour vingt cinq années. c’est Yannis, mon frère sfakiote qui venait me trouver sachant que je ne pouvais le faire à l’inverse. Me visitant un hiver côté Lausanne et sachant que je ne pouvais retourner à Sfakia pour des raisons personnelles, il m’offra de construire ma maison à Sfakia, que j’occuperai disait-il avec certitude un jour. ce cadeau de mes rêves, Je n’ai pu l’accepter, mais son geste était viscéralement celui d’un grand frère à jamais pour moi. en parler, poser ces mots me baigne de larmes toujours.

Sfakia terre de mes racines

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