Au début du mois de janvier 2021 je perds davantage qu’un ami Sfakiote. Yannis Braoudakis m’a guidé dès 1971 durant les seventies trois à six mois chaque année au coeur de la province de Sfakia en Crète, un demi-siècle finalement vers la connaissance, le partage et la fête.
Un souvenir immédiat rejaillit aujourd’hui en ma mémoire, il est décrit dans mon livre SFAKIA.
» automne 1972, Avec Yannis nous buvons un dernier verre dans son restaurant, calme de l’arrière saison, heure tardive, la mer déroule ses vagues à dix mètres. L’unique route venue du nord à travers les montagnes interrompt ses lacets sur la place ici. Ce soir une citroen noire digne des polars de l’époque roule jusqu’à la porte, Nous sommes seuls Yannis et moi, les trois autres restaurants sont fermés.
Deux hommes quittent le véhicule, sans mot dire ils pénètrent à l’intérieur.
Ces hommes en civils sont des policiers à la solde de la junte militaire, la fameuse dictature des Colonels qui déchire le pays depuis 1967. Ils déploient des rouleaux de papier serrés entre leurs mains, affichés contre le mur: l’aigle conquérant symbole de tant de tyrans est vite réduit en boulettes. Yannis a bondi, fou de rage de cette rage sfakiote libertaire, celle d’un Braos, il piétine le torchon aux pieds des policiers qui profèrent de vaines menaces puis se dirigent rapidement à côté au poste de la police de sfakia afin de réveiller le commandant. Leur retour à trois n’effraie pas un Braos, il leur hurle son mépris, sa détermination, ils décampent.
Jamais aigle ne se reposera ici, les Sfakiotes ne tolèrent aucune contrainte, Yannis me le dit simplement. Les clans importants se maintiennent et se fortifient par l’exemple dans leurs Montagnes Blanches depuis des siècles. Celui des Braoudakis est respecté. »
Me visitant un hiver côté Lausanne des années plus tard et sachant que je ne pouvais retourner à Sfakia pour des raisons personnelles, il m’avait proposé de me construire une maison à Sfakia, que j’occuperai disait-il avec certitude un jour. il m’offrait ce cadeau de mes rêves. Je n’ai pu l’accepter, ce geste était viscéralement celui d’un grand frère à jamais pour moi.
en parler, poser ces mots ici me baignent de larmes toujours.
Γεια σου φίλε μου, JJ
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