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Je vis à l’étage entre chambre et terrasse. Deux lourds bartants de bois séparent ces espaces.

Ils pivotent et obstruent la pièce dès que les rayons du soleil viennent lécher l’intérieur, traçant des interstices de lumière.

dehors la chaleur devient torpeur. Elle embue l’air, trouble sens et vision. Les bêtes la fuient. les hommes depuis longtemps ont appris, sauf une espèce bigarrée de moins en moins rare qui demeure à découvert. Les jours sont comptés, la mutation cutanée s’opère en une quinzaine, du blanc au rouge, puis pour certains du rouge au brun. Les coqs aussi se privent de sieste, ils lancent haut et fort leur mélopée à quatre syllabes.

Mon nid surplombe le village, les falaises et la mer. Des maisons et un mur bordent une cour intérieure pavée, deux vielles femmes, deux veuves, Athina et Kathina vont et viennent.

Quand l’estre a basculé Kathina se repose, le dos au mur de sa minuscule terrasse, à l’étage aussi. Elle allonge ses jambes, la tête tournée vers le port. Le temps n’a plus de prise pour elle, sa vie s’est arrêtée depuis longtemps.

Derrière Kathina le ciel, les falaises et la mer s’assombrissent. Il me suffit de tourner la tête vers le couchant, je quitte le village et les hommes. A chaque fin de jour je plane en ces éléments confondus. Des mois, des années ce fut ainsi et des siècles auparavant aussi. La mer bat la roche, lorsque le jour s’éteint seule sa musique monte.

Avant les années septante, avant l’électricité, je goûtais encore cette lumière chaude d’une grande lampe à gaz ou à pétrole qui vous enveloppait. On suspendait les lampes comme des lampions magiques, de loin on percevait une auréole, puis d’autres.

La tête de mon lit frôle la moustiquaire, je capte un souflle d’air bienvenu. Quelquefois venus de Libye de minuscules grains de sable traversent le filet et s’incrustent sous le drap picotant la peau.

Dans la deuxième tranche de la nuit, une lumière cahotante éclaire la ruelle, Andreas s’en va pêcher, les coups sourds de son diesel résonnent.

le sillage du caïque fera obliquer des milliers d’étoiles posées sur la mer, la pleine lune accompagne souvent ses nuits solitaires.

Sur ma terrase de terre battue, sèche, les battants s’entrouvent.

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